Presse-Océan, édition du 10 mars 2009.
Le Télégramme, édition du 23 mars 2009.
Nantes Passion N° 198, octobre 2009
OUEST-FRANCE, édition du 26 novembre 2009
Le PARADISE
mercredi 30 décembre 2009, par Louis
Edité par une petite maison d’édition ce roman aurait pourtant mérité une meilleure diffusion. Un vrai petit bijou qui fait parfois penser aux romans d’Italo Calvino. On ne s’ennuie pas une seconde malgré la grande simplicité de l’intrigue : Un homme que sa femme a quitté plusieurs années plus tôt et qui a perdu son travail entreprend de creuser un trou dans sa cave. On se demande de bout en bout à quoi rime cette lubie mais lorsque l’on découvre au dernier chapitre à quoi doit servir ce trou est-on finalement étonné ?
Il y a dans ce roman un profond désenchantement, le travail y est considéré comme une occupation nécessaire sans laquelle on ne peut s’organiser et l’on a nettement l’impression d’une sorte de déprime de la retraite. Ce qui est d’autant plus étonnant que l’auteur semble très lucide sur la situation - à l’image même de son héros - et qu’il la maîtrise parfaitement, jusqu’à la mettre en scène.
Georges-André Quiniou multiplie les initiatives pour se faire connaître, il a choisi notamment de proposer la lecture et le téléchargement gratuits de son roman sur plusieurs sites (Livres pour tous, Éditions Leo Scheer, Pitbook.com, Calameo, In Libro Veritas, et bien sûr son site personnel http://pagesperso-orange.fr/ga.quiniou/ ) mais faudra-t-il attendre qu’un grand éditeur le remarque pour lui donner une véritable chance d’être lu par de nombreux lecteurs ? franchement ce serait dommage ! Le style incontestable mais en même temps très facile, presque oral, avec lequel l’histoire est racontée, le sujet très simple, le suspense qui tient en haleine jusqu’aux dernières pages mais également la gravité du sujet que l’auteur a choisi d’aborder avec humour, tout cela contribue à la parfaite réussite de ce roman digne des plus grands.
Il faut aller jusqu’au bout du texte, mais de ce point de vu rien à craindre G-A Quiniou ne vous laisse pas le choix de continuer ou d’interrompre votre lecture, pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas d’une sorte de roman policier mais que le propos est beaucoup plus grave, j’allais dire – mais j’ai un peu peur de vous effrayer – philosophique. En tout cas il s’agit d’un vrai sujet de ceux qui donnent le ton d’une œuvre. Lisez le résumé de l’Absente sur le site de l’auteur vous verrez que je ne me trompe pas G-A Quiniou est véritablement habité par son sujet.
Difficile de parler d’un livre sans en dévoiler l’histoire – ce que j’aurais pu faire sans dissuader les vrais lecteurs de le lire tant le style fait de digressions incessantes sur les techniques de construction de cette sorte d’abri anti-atomique vous emporte jusqu’au bout du roman comme le ferait le récit d’un conteur et l’on sait qu’écouter un conte même si l’on connaît le dénouement reste un plaisir dont on ne saurait se priver, ne serait-ce que pour la musique du texte, j’ai préféré sans doute pour donner plus de chance d’être lu à ce roman m’en tenir au premier degré, celui de l’histoire à suspense, un suspense que G-A Quiniou manie avec beaucoup d’habileté mais que les lecteurs d’œuvres plus littéraires ne fassent pas la mou ils trouveront là sous l’apparence d’un petit roman de distraction un véritable conte philosophique.
Les handicaps de ce livre sont très certainement sa chance et en font la qualité, écrit par un agrégé de province, racontant une histoire qui se passe en province, il échappe aux poncifs germano-pratins et bien que restant une brillante illustration de ce que peut être la littérature, à aucun moment il ne vous prend la tête ni ne fait référence à une culture parisienne, je dirais que ce livre d’une certaine manière réinvente la littérature et ce n’est sans doute pas un hasard si son auteur tente avec d’autres de réinventer la manière de faire connaître un roman, ce qui le différencie des innombrables « auteurs » qui grouillent sur internet c’est très certainement qu’à la différence de ceux qui se croient déjà de petits génies lui a su rester simple pour dire l’essentiel. Bravo et bonne chance à ce roman poignant.
Mené de bout en bout de main de maître on a vraiment du mal à comprendre pourquoi ce livre n’a pas encore trouvé d’éditeur. L’Absente est un gros livre que l’on ne peut pas lâcher, comme on ne peut pas lâcher Le Paradise, on y retrouve les mêmes qualités formelles, le même sens de l’intrigue mais ici l’écriture que l’on pourrait dire classique - j’ai pensé à Marivaux et à Diderot - est au service d‘une analyse fine des sentiments humains particulièrement exacerbés par la confrontation d’une vivante et d’une morte lorsque Maurice, le héros, pense refaire sa vie alors même qu’il ne parvient pas à se détacher de son passé. Le dénouement est accablant et tout à fait logique, G-A Quiniou sait faire preuve de cette grande retenue qui fait que le lecteur entre insidieusement dans la peau de son héros et se laisse, lui aussi, prendre au piège imaginant une fin romantique à ce texte qui s’apparente bien au contraire à une tragédie au sens littéraire du terme. L’aveuglement de Maurice est sans doute aussi celui du lecteur qui n’entend pas les signes avant-coureurs du drame qui pourtant sont là. On ne cesse de se demander comment il est possible qu’un homme alors qu’il a trouvé la chance de refaire sa vie, reste ainsi accroché à son passé, l’Absente n’a jamais été si présente ! Tellement présente que le lecteur doit faire la part entre ce qui est actuel et ce que le héros réactualise ! Aucune issue n’est possible et pourtant on imagine une fin tout à fait heureuse !
Plus que l’histoire d’un deuil qui ne se fait pas, ce roman est donc l’histoire d’un aveuglement, d’une incapacité à lire ce que vit la femme aimée que G-A Quiniou orchestre merveilleusement en se plaçant toujours du point de vue des autres, que ce soit de son héros ou de sa bande de copains, tellement soudés entre eux que Claire-Anne, l’amante, ne peut être qu’une intruse.
Le bonheur - celui de Claire-Anne - se heurte à un mur et Maurice s’imagine que tout se passe bien, même lorsque sa fille vient rappeler par sa simple présence, mais aussi par ses caprices, à quel point Laura reste encore vivante dans la tête de tous ceux qui entourent et dont s’entoure Maurice.
Le poids familial est considérable, les traditions sont là peut-être encore plus fortes à Quimper qu’elles ne le sont à Nantes, Quimper c’est le lieu de l’enfance et de l’adolescence, c’est auprès de ses amis de Quimper que Maurice a connu Laura, rien n’avait bougé pendant près de quarante ans, en le ramenant à Quimper Claire-Anne ne mesure sans doute pas le danger qui la menace !
Le refus de faire le deuil c’est peut-être surtout celui de vieillir qui va au contraire conduire Maurice à s’enfermer sur son passé, à rester en quelque sorte en famille, dans son cocon jusqu’à ne plus s’apercevoir qu’il se met en danger et pour finir à renoncer jusqu’au dernier moment à envisager la vie autrement qu’il l’a toujours vécue – la dernière scène, celle du bouquet de bruyère est de ce point de vue très éloquente. En quelque sorte tout est en place pour que le drame se produise et pourtant lorsqu’il se produit, on se demande encore comment cela a pu arriver, comment Claire-Anne a pu se sentir à ce point malheureuse qu’elle précipite à ce point le dénouement. On cherche une explication psychologique et bien sûr elle est là, on a vu progressivement se resserrer autour de Claire-Anne le poids de cette famille de vieux copains qui l’accueillent mais à la condition expresse qu’elle se plie à leurs rites, on a vu également la fille de Maurice montrer son hostilité vis-à-vis de celle qui vient prendre la place de sa mère. On sait que Maurice ne cesse de penser à Laura. Tout cela pourrait expliquer. Comme pourrait expliquer son geste les réflexions qu’elle se fait ou que l’auteur nous fait sur sa fragilité, il y a là en quelque sorte une fausse piste que l’auteur concède au lecteur paresseux mais qui ne convainc pas vraiment.
Parce que l’explication est ailleurs, ce roman n’est pas un roman psychologique, comme on l’a déjà dit, il s’agit d’une tragédie, c’est la situation elle-même qui mène au dénouement, il n’y a pas d’autre issue possible, Maurice ne peut faire le deuil de Laura non parce qu’il s’y refuse mais bien plutôt parce qu’il représente ce refus, Claire-Anne ne peut passer outre les vexations qu’elle subit, elle ne peut guerroyer pour trouver sa place auprès de Maurice parce que leur amour est impossible et doit le rester.
Bien sûr on s’interrogera sur ce parti pris et on aura raison, mais c’est très certainement dans ce refus d’envisager de se défaire du passé que l’auteur nous dit quelque chose de lui-même et peut-être aussi de son pays. Un roman qui fait réfléchir, beaucoup plus profond qu’il n’y paraît.
Rendez-vous Place de la Victoire - G-A Quiniou
samedi 27 septembre 2014, par Penvins
Derrière l’écriture classique de Georges-André Quiniou se cache un jeu étonnant entre le réel et le fantasmé. La première nouvelle, celle qui donne son titre au recueil est de ce point de vue emblématique : l’histoire racontée entre dans le réel qui lui-même donnera naissance au texte, mais il n’en est pas ainsi de toutes les nouvelles, ce qui semble faire l’unité de ce recueil ce serait plutôt une sorte de dédoublement du couple dont on peut évidemment penser qu’il rejoint cette essence même du fantasme : échapper au réel. La précision avec laquelle ces nouvelles sont écrites, maintenant d’un bout à l’autre du texte le lecteur en haleine, m’a fait penser à Simenon, bien que ces histoires ne se présentent pas comme des histoires policières elles en ont la structure, un style très classique, imagé, descriptif et un suspens renouvelé de bout en bout et de surprise en surprise. Ce qui caractérise ces nouvelles-ci c’est aussi, comme on l’a évoqué, la porosité entre le réel et le fantasmé, témoin cette scène où les amants ouvrent une porte qui les projette dans un autre monde petit à petit très proche du réel qu’ils viennent de quitter et qu’ils ne rejoindront jamais tout à fait ! Le réel sera devenu un ailleurs où l’homme rejoindra comme en songe la femme entrevue dans ce qui paraissait être réalité !
L’écriture est là pour donner vie à ce qui ne peut pas être énoncé dans la vie réelle. Rien que de très banal me direz-vous, sans doute, mais écrit de cette manière-là – que l’on lise et relise Rendez-vous Place de la Victoire c’est à vous donner le vertige, vous faire perdre tous vos repères, vous n’êtes plus extérieur à l’histoire, l’histoire n’est plus une construction autonome, vous êtes mis à contribution pour démêler la littérature de l’histoire qu’elle produit. Magistral ! Laissez-vous tenter par ce recueil disponible aussi bien en papier qu’en numérique et embarquez dans un jeu de miroirs dont vous serez la proie… consentante. Abandonnez-vous à la lecture, comme dit la chanson : c’est parce que c’est si bon.