Pied-bot
Moi aussi je suis un héron
Posé sur une patte unique
Mon autre appui dessous mon front
C’est ma cervelle pathétique.
Comment voulez-vous qu’on s’y trouve
Un pied rêveur et l’autre non ?
Tous nos châteaux sont faits de douves
Où croupira notre renom.
Je vais, démarche cahoteuse,
Pied sur le sol, pied cérébral,
Chacun son tour dans l’eau boueuse
Et ça va bien et ça va mal.
J’aurai rêvé des cathédrales
En m’appuyant sur mon pied-bot
Je crois aux lois fondamentales
Des cathédrales de mes mots.
J’aurai cherché cette lumière
Pour donner sens à mon décor
Taillé dans la plus dure pierre
Philosophale de mon corps.
Et puis la vie en ses détours
Trop quotidiens pour nos malheurs
N’a pas laissé d’autre recours
Que la survie heure par heure.
Pourquoi n’aurai-je pas l’allure
De ceux qui vont deux pieds sur terre
De ceux qui ont la tête sûre
De ceux que tout peut satisfaire ?
Ceux-là ont les dirait sauvés
Ils ont l’auto de leur destin
Et le complet qu’ils ont trouvé
Cache leur peau tous les matins.
Ils ont gagné leur Paradis
A poser leurs pieds çà et là
Dans les affaires et dans leur vie
A tout hasard mais sûrs de soi.
Ils savent de petites choses
Ils en fabriquent quelquefois
Ou bien les vendent c’est tout rose
Sans une église ils ont la foi.
Cela s’est fait sans qu’on y pense
Un jour entraîne un jour suivant
Certains d’entre eux croient à la chance
L’autre à la loi du plus offrant.
Mais moi je reste en mes chimères
Qui m’ont rongé mes plus beaux jours
Elles me font la vie amère
Et lumineuse tour à tour.
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